Cette communication entre dans le cadre de questionnements didactiques sur l'enseignement de l'arabe langue pluriglossique à des apprenants adultes débutants francophones. L'arabe, langue de communication d'une vingtaine de pays, se décompose synchroniquement en plusieurs variétés –ou glosses : l'arabe classique, langue véhiculaire officielle de chaque pays arabe, et les arabes dialectaux, langues maternelles vernaculaires pratiquées dans chaque pays arabe.
Cette réflexion résulte d'une discussion avec deux officiers-élèves de l'Armée de Terre française, qui ont passé un mois en Égypte dans une école militaire au sein de laquelle un enseignement en arabe classique et arabe dialectal du Caire avait été prévu. Les cours d'arabe dialectal n'ont pas eu lieu, les officiers-élèves n'ayant pas souhaité les suivre, craignant une confusion entre les différentes glosses et considérant par conséquent que leur niveau d'arabe classique –même dans un milieu arabophone- n'était pas suffisant pour leur permettre de se lancer dans un apprentissage en dialecte. Ce refus pose la question de l'éventuelle définition unilatérale du niveau seuil à acquérir en arabe classique avant de pouvoir acquérir la glosse dialectale sans risque de confusion. Le profil cognitif de mes apprenants, ainsi que le type de formation intégrée qu'ils suivent aux Écoles, radicalement différente d'une formation exclusivement universitaire, sont des éléments à prendre en considération.
Ces expériences d'apprentissage posent également la question de savoir pourquoi les arabisants français ne sont pas mis dans les mêmes conditions d'apprentissage que les Arabes et arabophones, ces derniers apprenant l'arabe dialectal en premier lieu avant d'apprendre la glosse classique à l'école. Pourquoi cet ordre glossique ? Traduit-il la prééminence accordée par les Arabes et les arabisants à l'arabe classique au détriment de l'arabe dialectal, au point de nier la réalité d'apprentissage des arabophones eux-mêmes ? Pourquoi omettre que les arabophones pratiquent régulièrement une glosse mixte, dite « arabe moyen » ?
Bibliographie
Dichy, Joseph, 1994, « La pluriglossie de l'arabe », Bulletin d'Études Orientales, 46, Damas, Institut Français d'Études Arabes de Damas, p. 19-42.
———, 2002, « L'enseignement de l'arabe, langue pluriglossique, dans la France d'aujourd'hui », in Robert Bistolfi et Henri Giordan (éd.), Les langues de la Méditerranée, volume des Cahiers de Confluences Méditerranée, L'Harmattan, p. 313-329.
———, 2010, « La polyglossie de l'arabe, illustrée par deux corpus d'époques et de natures différentes : un échange radiophonique syrien et un conte des Mille et Une Nuits », in Michel Bozdemir et Louis-Jean Calvet (éds.), Les politiques linguistiques en Méditerranée, Paris, Honoré Champion, p. 219-245.
———, 2017, « Polyglossie l'arabe et subsidiarité : au-delà des confusions entraînées par la notion de ‘diglossie' », in Héba Medhat-Lecocq (dir.), Arabe standard et variations régionales. Quelle(s) politique(s) linguistique(s) ? Quelle(s) didactique(s) ?, coll. PLID (Pluralité des Langues et des Identités en Didactique, dir. Geneviève Zarate, INALCO), Édition des Archives Contemporaines, p. 1-23.
Younes, Munther, 2014, Arabiyyat al-Naas (Part One): An Introductory Course in Arabic, London, Routledge.
———, 2015, The integrated approach to Arabic Instruction, London, Routledge.
Note biographique
Marie Baize-Varin est Docteur en linguistique arabe de l'Université de Provence, agrégée et certifiée d'arabe. Elle est Maître de Conférences en linguistique arabe aux Écoles Militaires de Saint-Cyr Coëtquidan et à l'Université Rennes 2 (chercheuse permanente à l'EA 3874 LIDILE). Elle est chef du département d'enseignement de l'arabe à la Direction Générale de l'Enseignement et de la Recherche (DGER) et à la Division des Langues Etrangères Appliquées (DLEA) à Coëtquidan.
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