Dans ma communication, je propose d'étudier les possibilités que créativité et erreur peuvent offrir dans l'apprentissage de la traduction. Comprendre nos erreurs dans le processus traductif, en suivant les itinéraires imprévisibles qu'elles tracent dans la création linguistique et littéraire, et même ouvrir à la possibilité d'utiliser l'erreur créative dans l'apprentissage de la traduction, peut en effet nous permettre de bénéficier de possibilités pédagogiques plus vastes.
La méthode traditionnelle de l'enseignement de la traduction est obsédée par le concept d'erreur, et l'évaluation des étudiant.e.s se fait très souvent en comptant les erreurs, et donc par rapport à la distance entre leurs traductions et une traduction qu'on présume être « idéale ». Dans des cours de traduction littéraire, j'ai invité les étudiant.e.s à analyser dans des traductions existantes les déviations dans le texte cible par rapport au texte source et les erreurs (plus ou moins évidents), et à reproduire ces déviations et ces erreurs volontairement dans leurs propres traductions.
En choisissant leurs textes, et en choisissant comment les « trahir » sciemment, les étudiant.e.s développent ainsi leurs habilités de compréhension, de traduction et de production créative. Cela nous permet de découvrir un texte cible aux significations encore plus vastes que le texte source, en transformant le processus traductif (et l'apprentissage) dans un gain, plutôt qu'une perte, et invite les étudiants à s'engager activement dans le processus de création qui est partie inhérente de toute traduction.
Bibliographie
Jean-Pierre Astolfi, L'erreur, un outil pour enseigner, ESF, Issy-les-Moulineaux, 2017 (12e éd.).
Isabelle Collombat, « La didactique de l'erreur dans l'apprentissage de la traduction », in The Journal of Specialised Translation, n° 12, 2009, pp. 37-54.
Robert Escarpit, « ‘Creative Treason' as a Key to Literature », in Elizabeth Burns, Tom Burns (dir.), Sociology of Literature and Drama: Selected Readings, Penguin, Harmondsworth, 1973, pp. 359-367.
Yves Reuter, « Pour une autre pratique de l'erreur », in Pratiques, n° 44, décembre 1984, pp. 117-126.
Gianni Rodari, Grammatica della fantasia, Einaudi, Turin, 1973.
Note biographique
Giuseppe Sofo est enseignant-chercheur de Langue et traduction française à l'Università Ca' Foscari de Venise. Il a publié un texte dédié à écriture, réécriture et traduction (I sensi del testo : Scrittura, riscrittura e traduzione, Novalogos, 2018), codirigé une œuvre collective sur la traduction (Sulla traduzione, Solfanelli, 2015), et il est traducteur littéraire. Il a enseigné la traduction en France, à l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse, et en Italie, à l'Université d'Urbino et à l'Université de L'Aquila.