Ces dernières décennies ont vu émerger les approches communicatives et actionnelles qui ont eu pour effet de favoriser une dimension fonctionnelle et pragmatique de l'apprentissage des langues. Cette avancée révèle cependant des limites dans des contextes de revitalisation linguistique comme celui du breton. En effet, dans un contexte dans lequel tous les locuteurs ont une meilleure maîtrise du français, il n'est pas suffisant que ces élèves sachent parler la langue bretonne, il faut qu'ils la fassent « leur ».
L'approche appropriative de Véronique Castellotti (2017) nous paraît particulièrement adaptée pour prendre en compte dans l'enseignement de la langue les enjeux même de son apprentissage. En posant la question du « pourquoi » et du « pour quoi » apprendre une langue, elle inscrit les élèves dans une histoire personnelle tributaire d'enjeux individuels affectifs et identitaires et qui dépasse les motivations instrumentales classiques.
En nous positionnant dans le champ d'une didactique de l'appropriation, à partir d'un enquête réalisée auprès d'élèves de classes bilingues, nous proposons un cadre théorique original pour observer la prise en compte explicite de l'appropriation linguistico-culturelle dans les filières immersives précoces breton-français. Ce cadre met en relation le niveau macro de l'appropriation avec le niveau micro du comportement interactionnel des élèves en langue bretonne, par le biais d'un continuum d'autodétermination qui décrit la motivation des élèves à apprendre/parler le breton (Deci & Ryan, 2002). Les enseignants peuvent contribuer en classe à modifier les représentations des élèves sur la langue cible (Moore, 2001), ainsi que sur eux-mêmes comme apprenants/locuteurs (concept de soi en langue) (Nocus, Vernaudon, & Paia, 2014). Ce travail de classe sur les représentations pourrait permettre d'atteindre une motivation extrinsèque autodéterminée à apprendre le / s'exprimer en breton, qui correspondrait à une appropriation linguistico-culturelle et à une expression en interaction en langue bretonne normalisée et auto-initiée.
Bibliographie
Castellotti, V. (2017). Pour une didactique de l'appropriation, diversité, compréhension, relation. Paris : Didier.
Deci, E. L., & Ryan, R. M. (eds.) (2002). Handbook of Self-Determination Research (1 edition). Rochester, NY: University of Rochester Press.
Moore, D. (2001). Les représentations des langues et de leur apprentissage, Références, modèles, données et méthodes. Paris : Didier.
Heinzmann, S. (2013). Young Language Learners' Motivation and Attitudes: Longitudinal, comparative and explanatory perspectives. Bloomsbury Academic.
Ryan, R. M., & Deci, E. L. (2000). Self-determination theory and the facilitation of intrinsic motivation, social development, and well-being. American psychologist, 55(1), 68.
Note biographique
Gwenole Larvol a été enseignant bilingue breton-français durant une dizaine d'années, puis maître formateur durant 5 ans, intervenant ainsi dans la formation initiale et continue des enseignants bilingues. Il est actuellement doctorant contractuel (financement ARED région Bretagne) en cotutelle aux universités de Rennes 2 (Centre de recherche bretonne et celtique, direction Stefan Moal) et de Genève (École de langue et de civilisation françaises, direction Laurent Gajo).
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